Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation d'Hélène Pedneault
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 7 juin 2014

Femme volcan, elle est la voix qui tonne l’indignation, le verbe brûlant comme une lave s’insinuant dans nos consciences pour devenir granit imperméable à la résignation. Infatigable militante, elle a mené de front plusieurs combats, toujours avec passion. Hélène Pedneault est la porte-parole qui ne fait grâce d’aucun compromis que ce soit pour la condition féminine, l’environnement, l’indépendance et certainement les artistes.

Mieux que les mots d’un autre, la lecture de cet extrait de Mon enfance et autres tragédies politiques témoigne de la globalité de ses luttes : «Si les jeunes savaient comment les arts peuvent nous sauver la vie quand on traverse un désert, écrit-elle; comment un écrivain peut-[il] répondre sans le savoir à des questions impossibles qui nous tuent; comment un film comme Hiroshima mon amour peut nous faire faire le contact entre l’intime et le social; comment une pièce de théâtre comme Albertine en cinq temps de Michel Tremblay peut nous faire comprendre du dedans la rage des femmes; comment une toile de Riopelle peut nous donner plus de liberté; comment une musique peut nous transporter; comment une voix peut nous traverser le corps et nous brancher sur le monde; comment la violence de certains créateurs peut nous aider à comprendre la nôtre et à la transcender. C’est ça qu’il faut transmettre […] Parce que la culture et les arts, parce que la connaissance ne sont pas des avoirs, mais la chair même de l’être.»

Ses convictions alimentent tous ses écrits, que ce soit ses livres, ses pièces de théâtre, ses chansons, ses chroniques. Jamais Hélène ne renonce.

Tout commence le 14 avril 1952. Deuxième des trois filles d’une famille ouvrière de Kénogami, Hélène apprivoise sa nature frondeuse auprès de son père Louis-Philippe, saxophoniste dans une fanfare, qui l’initie, certes à la musique, à la lecture, mais aussi au monde de la technologie. Élève surdouée de l’école secondaire Maria-Chapdelaine, elle gagne le premier prix de l’Association des ingénieurs du Canada à l’Expo-sciences nationale de 1965, pour sa présentation d’une pile à combustible. Boulimique du savoir et des expériences, elle apprend le morse, joue du piano, fait du théâtre et devient VE2 DIR sur les ondes de radio amateur. Adepte de la chanson française, elle écoute Barbara, Reggiani, Aznavour, Brel, Catherine Lara et Anne Sylvestre. Francophile militante, elle concède cependant un peu de place aux Beatles, révèle Sylvain, ce petit frère survenu dans la vie d’Hélène en 1963, provoquant, bien malgré lui, une blessure à l’adolescente de 12 ans. Elle se croit évincée des randonnées de pêche paternelles et autres complicités masculines comme la chasse et la trappe qui la distinguaient de ses sœurs Raymonde et Danielle.

Membre des Guides aînées, lectrice assidue d’Agatha Christie, étudiante en Lettres, les 16-20 ans de cette fougueuse descendante d’un immigrant italien fréquentent surtout les artistes. Elle suit des cours de théâtre sous la direction de Michel Dumont, célèbre sa joie de vivre au Bock de Jonquière, fréquente le Centre culturel du Mont-Jacob.

En 1971, après un séjour en France pour travailler à l’Arche de Jean Vanier, elle inscrit les poèmes de Jacques Prévert et les films de Pierre Perrault au programme de français de ses élèves fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes à Ottawa. De retour dans sa région natale, son passage remarqué au Progrès-Dimanche lui ouvre les micros de Radio-Canada, à peine le temps de voir fleurir les roses. Le contrat non renouvelé lui donne l’occasion d’apprendre à produire des spectacles avec Denis Leclerc, réussissant à attirer l’ineffable Sol et la flamboyante Clémence Desrochers qui provoquera son exil vers Montréal.

Agente d’artiste, d’abord au bureau de Françoise Chartrand, puis à son compte, elle représente Richard et Marie-Claire Séguin, Clémence, Suzanne Jacob et Sylvie Tremblay, créant des liens professionnels avec des nœuds de l’amitié.

Si le rouge habille l’intensité de ses débats et le bleu ses rêves d’indépendance, c’est pourtant le rose qui colore ses emportements les plus mémorables. Ses chroniques délinquantes avivent le ton du magazine La vie en rose où elle réussit un coup de maître en 1984 : une entrevue-fleuve exclusive avec Simone de Beauvoir. Hélène se multiplie. On peut la lire dans les revues Arcade, Les cahiers de la femme, Châtelaine, La Gazette des femmes, Ciel Variable ou l’entendre à la radio et à la télévision. Elle publie plusieurs livres, sans limites du genre et chaque fois avec succès, que ce soit des contes, des légendes, des nouvelles. Sa pièce La déposition créée à Montréal en 1988 est traduite en cinq langues et, encore aujourd’hui, jouée en France, en Italie, en Belgique, au Canada, en Suisse, en Allemagne, en Hollande et aux États-Unis. Prix Gémeaux pour l’adaptation du roman Sous le signe du lion de Françoise Loranger, elle gagne plusieurs prix littéraires avec La douleur des volcans, Les carnets du lac et Mon enfance et autres tragédies politiques. En 2006, le Salon du livre Saguenay–Lac-Saint-Jean rend hommage à l’auteur de l’hymne Du pain et des roses, chanson phare de la célèbre Marche des femmes de 1995.

Réfugiée dans sa maison de Saint-Zénon, acquise en 1988 en bordure du lac Saint-Sébastien, Hélène Pedneault a lutté sans jamais faillir. Solitaire inconsolable, au cœur meurtri par sa rupture avec l’amour de sa vie, elle a éradiqué le mot impossible de son vocabulaire. Cofondatrice du Conseil de la souveraineté du Québec, elle brandira le poing contre « Les vampires de l'eau » cofondant les mouvements Eau secours et Les porteurs d’eau afin d’empêcher la privatisation de l’eau. Solidaire des travailleuses, elle a légué tous ses biens à la Fondation Léa-Roback, du nom d'une syndicaliste féministe de la première heure qui remet chaque année des bourses d'études à des femmes défavorisées et socialement engagées. Même au-delà de sa mort, survenue le 1er décembre 2008, cette géante a trouvé le moyen de vivre les mots de sa chanson :

Donnons-nous la main
Nous sommes plus grandes
Que ce qu’il nous semble


Le 7 juin 2014
HÉLÈNE PEDNEAULT

Auteure, journaliste, dramaturge
Ardente défenderesse des arts, des femmes et de l’environnement

fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet
à titre posthume

***

vendredi 20 juin 2014

Hommage rendu à Hélène Pedneault sur vidéo au gala 2014


Quelques minutes pour se souvenir
d'un grand moment




Gala 2014 de l'Ordre du Bleuet
Hélène Pednault était représentée par sa soeur Raymonde

Réalisation Ariel Laforge
Texte Christiane Laforge
Lecteur Marc Bergeron




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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.